11 juin 2014

Entre fer et jardins...

Avec Irina , ma  jumelle ukrainienne , fille de Kryvyï Rih et femme des mines …
Avec Helena , prof amoureuse de sa ville,  fille de mineurs…

Dans cette ville aussi déroutante que touchante et si pauvre le plus souvent , le mois de juin semble rendre la vie plus douce, à défaut de rendre le sourire à tous . 600 000 personnes vivent dans cette agglomération en forme de corne tordue (son nom) . Une ville devenue imprononçable depuis l’abandon de son orthographe classique et russe de Krivoy Rog (Кривой Рогpour une écriture ukrainienne Kryvyï Rih (Кривий Ріг)
Cette ville anormalement allongée ne respire ni lexplosion économique ni la santé , ni la joie . Et pourtant les gens y sont d'une ouverture , d'une générosité et d'une curiosité communicative ...Je me disait à Kiev qu'un peuple qui aime autant les fleurs et le chocolat ne pouvait qu'être sympathique, pirouette pour dire que j'ai découvert dans ce pays des gens d'une extrême douceur et fierté . Jamais personne ne se plaint ...toujours on est prêt à vous aider , à vous parler ...

Et puis il y a ces potagers. Des jardins partout , absolument partout . Ils colorient le paysage et lhumanise ; les jardins et potagers posés là où c’est possible , dès que cest possible . Et personne , ni enfant , ni ado , ni même les chiens ne songeraient à les piétiner ou les piller. On a même le droit accepté de tous de se servir dans tout ce qui dépasse ou tombe sur la voie publique !  Un mètre carré au pied d’un lampadaire rouillé , une pente devant un garage abandonné, trois rangées de fraises à l'ombre d'un abri de bus décrépi et graffité … Des femmes le plus souvent , et quelques hommes , se courbent dans ces indispensables carrés de cultures. Plus ou moins bien entretenu ou fourni , un potager c'est un espace de détente , la première datcha . Mais c'est aussi une nécessité pour améliorer l’assiette des retraités et des plus pauvres …et plus rarement un loisir pour quelques défenseurs du manger bio …

La ville est faite de minerais et de vert , de rouille et de fleurs . Au bord des grands axes , les bouleaux , châtaigniers et peupliers sont gigantesques. Et dans les rues les mûriers blancs croulent sous le poids de leurs fruits. Les enfants les grappillent en passant. Ce fruit du mûrier blanc je le découvre avec Hélena , prof de langues à l’université nationale . Le mullberry en anglais , je ne m’en lasse pas !  Il y a le goût de bonbon,   la chaleur de cette petite mûre blanche violacée , mais surtout  le plaisir de tendre les bras dans un arbre pour se régaler ! Le fruit est blanc au départ , un peu ferme , puis il se ramollit rosit et violace et c’est là qu’on doit le cueillir , car il est alors gorgé de jus et sucré … 
Je suis surprise d'apprendre que c'est le fameux mûrier qui abritent les fameux vers . La soie ne fait pas bon ménage avec les minerais sans doute car  elle n'est pas exploitée ici et pourtant certains arbres sont très vieux et énormes ! Il y a plein de sortes de mûriers à Krivoy Rog , mais aussi des cerisiers , des cassis presque mûrs en cette mi juin et des framboisiers dont on devine qu’il feront bientôt d’énormes pots de confiture …Sur les trottoirs de la ville des femmes et des enfants vendent ces fruits rouges pour quelques centimes d’euros . Les viandes sont souvent accompagnées de sauce au fruits rouges ! Je n'oublierai pas de sitôt  la saveur d'une côtelette de porc grillée à la sauce aux griottes ! 

Le long de l’Ingoulets , avec Helena un soir de balade , on dîne de fruits cueillis ainsi . Et sous un arbre particulièrement bien exposé au pied d’une brillante église orthodoxe une baboushka se régale aussi et m’invite à plonger dedans ! On a les mains collantes et noires (car le mûrier noir tâche plus que tout ) . On rigole bien , la baboushka dit qu'on est comme des gamines et c'est vrai ! Quand je vois ,en fin de promenade  , Helena cueillir une cerise amère et se l’écraser sur les doigts je ne peux m’empêcher de grimacer ce qui la fait marrer et émettre un petit  « tse tse » puis  ajouter : «Tu vas voir !» Plus tôt , elle  a déjà cueilli une sorte de romarin sauvage au sol en se régalant d’avance des infusions qu’elle fera avec. Alors je me dis que la copine est très  « Nature et Découverte »  et que c’est un truc de forum pour quinqua verte etc… 

Pour ma part je sors de mon sac à dos et de la poche la plus accessible une lingette qu’elle dédaigne en souriant et en rajoutant  un nouveau tse tse .. il est évident qu’elle désapprouve et se moque. Helena continue de faire couler du jus de cerise amère sur ses doigts on dirait qu’elle sest tailladé la paume et qu ‘elle saigne  abondamment . Je commence à me demander si elle est pas un peu originale ?  Ensuite elle prend un mouchoir en papier pour éliminer le jus rouge ….et ignore mon : « Ah tu vois t’as quand même besoin d’un bout de papier ? » Sans se démonter elle me répond qu’il faut bien enlever le pigment rouge et que seule la rhubarbe ou le citron pourrait l’absorber : 
« Et tu vois de la rhubarbe là autour ? Du citron ?   
- Ben non ... » 
Jen reste à ma lingette si peu écolo ( je sais) . Helena sifflote sourire au lèvres ...

Et elle avait raison ...Je n’en mène pas large  plusieurs heures plus tard au restau ... qu’on peut qualifier de chic. Helena très espiègle exhibe sur la nappe blanche des mains immaculées . Pour ma part...j’ai les mains zinzolines , les bouts de mes doigts semblent avoir été frappés au marteau et je suis fascinée par leur bigarrure noire, pourpre…pas beau à voir , pas chic du tout ! Helena a l’élégance de ne plus sourire ! 

Un jour,   le professeur passionné et si accueillant du département de géologie de l'Institut des Mines , Valerii aux si beaux yeux (je sais ça n'a aucun rapport ..mais quand même !) , bref Valerii m’expliquera que oui le sol est riche en Ukraine . Et que parmi les plus de 300 minerais connus, certains sont un véritable coup de pouce  pour les plantations ! . Comme dans cette conversation traduite j’entends prononcer le mot « radiation » je demande si cela peut expliquer la taille de certains concombres,  arbres , fraises et choux croisés partout en ville et là il me répond : « Ah non ça c’est Tchernobyl ! » 

Silence mi gêné, mi amusé de la petite assemblée ....Mais le professeur Valerii aime la plaisanterie et tout le monde de ricaner  ! Il a tout de même essayer de me faire croire que la couleur des fraises venait de l’Hématite le minerai de fer si rouge dès qu’on le grattouille  et dont on fait un pigment ...

Bref concernant ce mot échappé et intrigant de « radiation » je nen saurai pas plus. Avec des profs j’ai abordé la question de la pollution sur la ville , et deux d’entre eux ont répondu spontanément et en même temps . Lun dit  :   «  Oui on a de la pollution »  et l’autre répond : « Non ça va ici ! » Et très vite ils échangent un regard accordé qui invite à ne pas poursuivre sur le sujet. Pourtant  du haut de l’une des carrières un soir au couchant  jai bien vu les larges volutes noires planer et s’étirer au dessus de la ville . Pendant tout mon séjour dans ce bassin minier de 100 km de long , sur toutes les questions abordant  l’environnement et de possibles  pollutions je n'ai reçu que peu de réponses claires …Même Irina qui travaille depuis toujours dans mines et carrières dit que c’est dangereux de respirer toute cette poussière et en même temps me répond que personne n’est malade à Kryvyi Rih ? ! 

Au centre ville , près de  MacDo et dun centre commercial miteux à moitié vide,  lhôtel Aurora accueille tout ce que la ville reçoit de visiteurs «  normaux » . Ce sont les ingénieurs , les hommes et femmes d’affaires liés aux mines et à la métallurgie, et aussi quelques starlettes ukrainiennes ou même étrangères de passage ... Un français abordé dans ce lobby que je trouve très très moche  (lhôtel pas le frantzsouskyy) na pas mordu à mon accroche du genre :  « Allez , entre compatriotes assez dingues pour venir ici , vous allez bien me raconter ? »  Aussi sympa que méfiant , il a  smashé toutes mes questions …Et ça a été comme ça avec tous ceux que j’ai croisé et qui bossent de près ou de loin pour l’une des exploitations minières ou la métallurgie. Surtout ceux qui bossent pour Arcilor Mittal : MUETS ! J'ai abandonné. 


L’un deux avant de piger que je n’étais ni géologue ni une collègue m’avait tendu la main en plaisantant : 
« Pollueur payeur en Ukraine et vous ? » . J’ai raté mon coup , mon intérêt était trop visible et j’ai voulu être honnête en lui parlant de mon projet d'écriture …Il a claqué des talons en me disant gentiment que aller sur les sites d’exploitation pouvait conduire en prison ! Ce que Maxim mon guide dans lun des premiers site historiques de ce bassin exploité dès la fin du 19ème , confirme . Chasseur de pigments pour le marché russe et principalement les restaurateurs ou créateurs d’icônes , Maxim sest retrouvé plusieurs fois au poste , obligé de payer , il est désormais fiché et craint surtout les "amendes". C'est pour ça qu'il était devenu si pâle (malgré les coups de soleil!)  quand les chiens et les deux gars costauds de Mittal nous sont tombés dessus  ! 

Voir album photos https://www.facebook.com/4717Nord 

Kryvyï Rih balance donc entre verte cité et mine géante ...entre rouille et fleurs ...C’est ainsi le long des filons, des traces de minerai de fer et désormais d’uranium vers le Nord . Krivoy Rog / Kryyvyi Ryh balance entre patrie Ukrainienne et amitié sinon parenté Russe . Ici on répond le plus souvent à toute question par un consensuel 
« moitié moitié » qui me laisse un peu perplexe et même frustrée. Pauvreté ? Pollution? Salaires ? Peur de la guerre ? Egalité des sexes ? Maïdan ? Le nouveau Président ? L’époque soviétique ?  :  «  Moitié moitié ! » 
Kryvyï Rih une mine gigantesque , un jardin immense ... 

1 juin 2014

Fleurs et chocolat !

Les choses ont très vite et très bien commencé ici en Ukraine...A tel point que j'ai du attendre les orages de cette nuit et la pluie incessante de ce samedi  pour mettre un peu d'ordre dans mes notes et écrire ce billet après une semaine de découverte de la capitale et avant de partir au Sud ...

Arrivée au milieu d'une nuit chaude  à Kiev  le chauffeur envoyé par mon petit hôtel avait mis à fond la clim et une cassette de tubes des années 80 . J'ai fait mes premiers pas en Ukraine en écoutant  "VOYAGE VOYAGE"  de Desireless ! Et me voyant sourire , le gentil chauffeur a de nouveau monté le son après m'avoir demandé si la musique ne me gênait pas... On est toujours plus  tolérant en arrivant dans un nouvel endroit alors malgré l'heure avancée de la nuit et un brin de fatigue j'avais dit ok !  En fait je n'avais pas trop le choix,  l'oeil humide et la voix tremblante comme si il allait me demander en mariage , le gentil chauffeur avait  presque crié :
"C'est ma chanson préférée depuis 30 ans ! "

Alors j'ai dû écouter , fredonner pour être aimable et je n'aurai pas dû . Le gentil chauffeur m'a vite invitée , priée de traduire ! Scène surréaliste,  sur cette autoroute déserte traversée par quelques fous du volant dont les bruits de moteurs ne pouvaient rivaliser avec la voix aigüe de Claudie Fritsch-Mentrop . Notre voiture braille "Voyage dans l'espace inouï de l'amour" !!!!!!  Ben essayez de traduire ça sans vous marrer  ! Et mon chauffeur verse sa larme et m'explique que malgré son métier il a toujours été sentimental ...*

Son métier ? Un ancien "des services" comme on dit , alors là je perd mon sourire moqueur pour une oreille intéressée ...mais il n'y revient pas , me disant juste qu'envoyé aux USA on l'y a un peu oublié et qu'il y est resté 11 ans . Il dit ne pas se plaindre ....ses enfants éduqués là bas "grâce aux américains" ont désormais un très bon boulot à Kiev ce qui n'est pas le cas de tout le monde !

On baisse le volume et on cause politique ...Mon gentil chauffeur regrette qu'en Ukraine on ne puisse être que très très riche ou très très pauvre et que l'avenir soit sombre ...Sur la question des Russes il est hésitant , bafouillant me dit qu'il n'y pas autant de problèmes qu'on le dit mais je n'en saurai pas plus ...on en revient finalement aux sujets plus consensuels pour un milieu de nuit .. la famille , la météo et la chanson française des années 80 . Le printemps ukrainien semble bien doux ...

Je découvre mon petit hôtel au pied du funiculaire une  fleur à la main , celle du tableau de bord , mon premier cadeau Ukrainien . J'apprendrai vite que les ukrainiens ( font des cadeaux) et adorent les fleurs. Ils s'entourent de fleurs aux fenêtres, sur les tableaux de bord des voitures , dans les cheveux des jolies jeunes filles et sur les blouses de coton blanc brodé. On tend des fleurs au ciel en protestant , en priant et on ne laisse pas le portrait d'un disparu sans fleurs. Dans les rues, les couloirs de  métro , à la sortie des écoles le jour de la fin des cours, on croise femmes, enfants , jeunes gens bouquets à la main . Milles occasions célébrées par les fleurs .


Je me régale des étals éclatants de couleurs en ce mois de mai. Véritables petites surprises dès qu'un coin de rue est protégé du soleil ou du vent. Et sur Maïdan , la grise, dans son foutoir sans cesse mouvant,  les fleurs partout qui rendent à ce lieu désormais historique son atmosphère sépulcrale! En ville , sur un siège de fortune, des femmes venues parfois de loin portent le fichu en triangle sur la tête. Elles proposent ,  un peu bougonnes si on s'extasie trop sur les bouquets sans les acheter,  des coquelicots,  des pivoines , des marguerites, des iris et des lys et cette fleur bleue inconnue.  Se mêlent aux fleurs , le parfum fort des fraises fraîchement ramassées et le rouge des monticules de cerises précoces ...

La terre qui nourrit ces fleurs , le fameux sol de tchernoziom dont le mot se prononçait avec fierté  à l'école quand on avait réussi à le retenir. Le tchernoziom a fait de l'Ukraine un pays de gens de terre.   Kraina , le "sol" ou "la marche",  ou encore "la frontière"
 a donné son nom au pays moderne qui longtemps n'a été que province, possession des différents voisins  . C'est en terre , aujourd'hui,  d'Ukraine,  que  Paul Celan est né .

Dans ce pays de frontières jamais certaines de durer , la poésie est grave, elle raconte un passé de dur labeur et de luttes, d'errances et de passages ...Les fleurs sont une consolation et les poètes ukrainiens en sèment quelques unes au milieu de leur sombres vers.

(...)
Sur notre terre si dure et si aride,
Je m'en irai, semant des fleurs brillantes,
Dans la neige glacée je planterai des fleurs
Et les arroserai de mes larmes amères.

Lessia Oukrainka


Un peuple qui aime autant les fleurs , les fruit rouges et, je le découvre vite ,  le chocolat ! Un peuple aussi poète , ce peuple ne pouvait que me plaire !
Emballage de Chervony Mak ...une tuerie !  


PS : Un article du KievPost vient d'annoncer qu'un chocolatier (pas le nouveau président un autre ) propose dans sa vitrine un Vladimir Poutine caricaturé... en chocolat ....on est invité à lui croquer la tête ! 


* Ça promet j'embarque avec lui demain pour 500 km vers le Sud ! 
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28 octobre 2013

Réussir un week-end à la campagne !

Récit détaillé d'une virée banale à la campagne...

Comme tous les citadins du monde ,  les habitants d'Oulan-Bator aiment s'échapper pour un week-end à la campagne quand ils le peuvent . Et de plus en plus , à moins de trois heures de la capitale Mongole , des ger  sont acquises ou louées . Les mongols n'aiment pas le mot yourte et lui préfère celui de ger qui désigne la maison tout simplement !

Pour réussir  un week-end à la campagne, un certain nombre d'ingrédients sont  indispensables. Une poignée d'amis de longue date , en couple de préférence, c'est important pour les trémolos du karaoké. Plusieurs kilos de viande congelée, et quelques légumes (pommes de terre et carottes) ; autant de kilos de bonbons que de viande ; des mandarines et des fruits secs et des sachets de piment et de pickles. Le tout acquis au pas de course au marché tôt le matin du départ ...trop tôt ! Je l'ai déjà dit ces femmes ont une pêche !
Ah j'oubliais les bouteilles plastiques d'eau APU , la  bouteille de Cherry , celle(s)? de Vodka et le lait de jument fermenté , fait en ville , secoué à la maison non pas dans une peau de bête comme autrefois mais dans une bouteille de Fanta de deux litres (sans le Fanta) que chacun retourne à tour de rôle et  qui garde (d'après mon observation) toutes ses qualités euphorisantes (sinon enivrantes) !

Il faudra aussi une jeep pour pour traverser la dernière rivière trop profonde et pas encore assez gelée pour être franchie à pied . La jeep permet aussi de porter toute la nourriture qui autrement aurait été répartie sur les épaules de chacun !  Il faut  de bonnes chaussures de marche pour les deux derniers kilomètres à pince dans la neige durcie tombée il y a peu. Cela dit l'élégante Dawa était en bottes de ville à talons fins et elle est bien arrivée !
On m'avait prévenu : "Si il neige à nouveau on sera peut être bloqués plusieurs jours !"  Je l'avoue je n'aurai pas tenu le rythme !

A la campagne la ger a été préparée par le jeune couple parents du frère jumeau du mari d'Algirma (oui je sais encore l'une de ces coïncidences qui ont accompagné mon séjour mongol ). 
La yourte au sol de lino balayé, est chauffée, le poêle est brûlant et on ne s'en approche pas trop. Tout comme on ne traverse pas la yourte n'importe comment. Ce n'est pas grand, c'est un peu modernisé  mais les traditions et les règles sont à respecter .  Le poêle est équipée d'une énorme bassine en fer blanc grasse et malodorante à souhait. Cinq grands lits hauts,  en sapin fait maison,  sont recouverts de couvertures synthétiques motif léopard.  Par délicatesse pour moi je pense - j'ai dû laisser voir mon nez se contracter -  les amies vont frotter la marmite géante  dehors avec du papier journal !

Tout l'opération de préparation du repas va prendre du temps et donc  on parle , on rit , on sirote ...On va chercher de l'eau dans la rivière au bord d'un sous bois jonché d'excréments d'animaux.  Si je mentionne cela c'est que ces bouses  ont eu , et ont encore leur importance au quotidien . Secs,  les excréments d'animaux sont un combustible indispensable. Quand on a marché dans la petite forêt je n'ai pas entendu les parents dirent aux enfants "attention ou vous mettez les pieds" ..bon j'ai un peu fait gaffe à mes pas quand même...
On prépare sans se presser  le repas et Nara ne cesse de me proposer à manger, grignotage avant les choses sérieuses...Adolescente ,  elle et les mongols de notre génération ont connu la faim en ville . Aujourd'hui les magasins et les étals des marchés débordent de produits alimentaires manufacturés en Chine, Russie et Corée.  J'ai dû , en faisant nos courses, supplier les amies de ne pas gaspiller leur argent pour moi en céréales, en boissons énergisantes, ou en gâteaux dégoulinants de couleurs fluo en sachets de vitamines etc...

Notre poêle chauffe au bois de bouleau et d'épicéas , ça sent bon .  Les hommes ont coupé la viande congelée à l'aide de gros couteaux affûtés comme des lames de rasoir (j'en fait l'expérience en faisant la vaisselle ) ...il y a du mouton sur la planche à découper , des intestins , des côtelettes et d'autres viandes ...Ça va cuire plus d'une heure pendant le long apéro au lait de jument fermenté ... On garde la vodka en digestif...et pour les retours de balades.
Les  patates/carottes sont ajoutées en fin de cuisson , de même que le sel jeté tout à la fin. Je n'ai pas vu Algirma , chef cuisto, ajouter des épices ou des herbes. Nara suce souvent par petits morceaux  du lait séché , une friandise un peu jaune , dure , naturelle et  bonne pour nos os de cinquantenaires parait il ! Pendant le week-end la nourriture  sur la table de la ger est restée accessible et grignotable à chaque instant et  pour tous. On a jeté aux chiens par la porte de la yourte des os nettoyés, il m'a semblé voir les chiens faire la gueule et les entendre nous traiter de morfales.

Personne ne parle anglais , sauf :  "Paskal eat " (Paskal , mange !  ) ;  je ne parle pas  mongol , au bout d'un mois ici,  je m'emmêle encore entre merci et au revoir - bairtlaa et bairté - mais qui a dit qu'il fallait  parler pour se marrer ?   A la fin du premier gueuleton , je refuse tout alcool et dessine dans mon carnet de notes  (enfin je tente ) un corps humain avec tous les organes intérieurs dont le foie pour expliquer qu'une vieille hépatite m'empêche de boire ! Autant le dessin fait s'étrangler Pujin qui se tape les cuisses ,  autant leurs regards se chargent de compassion et de pitié quand ils comprennent que NON je n'avalerai pas le moindre gramme ! Je trinque en trempant une lèvre , merci du conseil Marc! Et j'accepte en souriant (feinte)  le morceau de mouton bouilli choisi à la main dans le plateau sur lequel on a étalé toute la viande cuite ...La main droite  de Puljin , l'aîné de nous tous,  m'offre la plus belle côtelette de bon coeur ...mes amis ne sauront jamais  à quel point cela m'a couté et comme je suis gênée de ne pas avoir accepté toute la nourriture offerte si généreusement ! Mais je dois avouer que si ce n'était le goût du mouton qui m'a toujours rendue malade , la cuisson parfaite de la viande m'aurait régalée !
Eux ont eu la délicatesse de ne pas montrer de ressentiment ni de me faire le moindre reproche.

En milieu d'après midi , on a tous les joues rouges et on s'est déshabillés un peu  dans la yourte surchauffée...Je n'ai plus désormais que trois épaisseurs au lieu de 5 ! Et quand je tente une sortie pour prendre l'air et chercher les toilettes , je me fait gentiment retenir par le bras puissant de Batjar qui me fait rhabiller ; j'ai oublié que dehors à 14h  il fait moins 5° ! Pas très froid mais suffisamment pour se couvrir un peu .  Je les laisse un moment seuls , le temps de trouver un coin de nature plutôt que la cabine WC peu accueillante derrière le tas de bouteilles de plastique qui sera brûlé plus tard avec le reste des déchets ...Le problème c'est ça ..la ville apporte jusqu'ici un tas de merde que personne ne  rapporte à la ville...
L'électricité  a été installée depuis  peu et les fils courent sur des poteaux de bois fixés par des lanières de caoutchouc (pneus recyclées)  à des dalles de béton plantées dans le sol : fascinant système D. Indispensable  courant pour le karaoké !
Je m'arrête de marcher un peu plus loin ,  là ou l'électricité n'arrive plus . Pour avoir enfin l'impression de toucher à cette nature mongole qui fait tant rêver et que je n'ai pas cette fois choisi de découvrir !

Un peu plus tard, je provoque de nouveau  le rire éclatant de mes hôtes : eux étaient partis prier vers le haut de la montagne et moi partie galoper avec Altar et le jeune fermier du coin ...A mon retour ils sont encore dans la forêt et  le feu est en train de s'éteindre dans la yourte. Je le rallume sans trop de difficulté mais la fermière voisine accourt car le conduit de cheminée s'est affolé et la yourte fume du noir ...Elle ouvre la porte de la yourte en grand , la fumée s'en va et elle ramone un peu le poêle que j'ai trop chargé d'un coup , ça brûle drôlement bien là-dedans ! J'ai encore provoqué un regard désolé et  bienveillant à la fois et...un nouveau sourire d'amusement !

Là ou ça c'est compliqué c'est quand j'ai voulu ranger le bazar de la yourte et faire la vaisselle ...Je ne me suis jamais sentie aussi empotée : les tasses , les petits verres à liqueur, les couverts , couteaux et cuillères , les assiettes tout est gras, la yourte  froide a figé à moitié  les aliments et les fonds de liquide (sauf la vodka mais de toute façon y'en avait plus une goutte dans les verres) . Il n'y a évidemment pas d'eau chaude au robinet, puisqu'il n'y a pas de point d'eau courante dans la yourte ni autour d'ailleurs  ! Je vise une marmite vide et y jette tous les couverts, j'ajoute  les petites assiettes de faïence à fleurs et me dit (oh lueur d'intelligence) que les verres auront droit à une autre marmite ... Je ressors chercher de l'eau dans le seau en plastique dehors (l'eau rapportée de la rivière) . Accroupie sur la neige , il fait encore un peu jour mais la lumière décline ...je verse pas mal d'eau sur les couverts sales dans la marmite et ....regarde fascinée... la bouche ouverte comme une idiote .....ma marmite changer de physionomie : chacun des couverts et des petites assiettes est prisonnier en quelques secondes d'une couche plus au moins fine de graisse durcie,  blanche comme la neige , et que mes doigts ne parviennent pas à enlever .  On a pas de sopalin , juste du papier journal et encore moins de produits à vaisselle ...je tente à la main et avec mon petit couteau suisse de gratter avec le numéro du journal local de juillet dernier et je me retrouve avec des mains à faire pâlir  un ramoneur ou une pub pour Neutrogena ! Je sent la honte me foncer dessus ! Mon cerveau s'affole et je regarde la campagne déserte et très silencieuse autour de moi ! Hello ? Quelqu'un a une idée ?

Ok...l'eau chaude ! Je peux en faire chauffer sur le poêle  mais ...bon allez je vous le dit ...j'ai cramé le fond de la casserole qui n'était pas prévue pour ça, j'ai rouvert la porte de la yourte en grand et ... c'est à ce moment là que la joyeuse troupe est sortie du sous-bois ....! Ah , ils se sont marrés mais marrés , ils n'ont pas pleuré la casserole trouée, ils l'ont juste balancée dehors ! Ils m'ont trouvé super d'avoir commencé la vaisselle alors tout le monde s'y est mis ...Les copines avec des gestes sûres ont fait chauffer l'eau dans la bonne marmite, on retrouvé un fond de produit à vaisselle dans le carton qui portait la bouffe et que je n'avais pas osé,  ni pensé , fouiller ....Les verres et les  tasses ont été  rincées en premier pour faire circuler à nouveau le lait de jument et la vodka ....indispensables pour faire une bonne vaisselle ....

Mais tout ça c'était avant ...le drame  ! "Paskal ...Ok  Karaoké ?"  Algirma a dans la voix un petit rien de moquerie ...la toujours de bonne humeur Algirma est en train de perdre ;  je suis en train de la "lessiver" (vengeance) aux dominos mongols !  La nuit est tombée depuis un moment et les hommes sont je ne sais où ...Nous les femmes on joue . Il existe plein de jeux de société et je suis ravie de pratiquer ce que j'avais admiré au Musée , le jeu de dominos est aussi un jeu de gains et mon paquet de billets de cent et de bonbons gagnés avec la chance des débutants fait l'admiration de tous. Mais les hommes reviennent et il est temps de passer aux choses sérieuses...Entre temps on a encore fait griller quelques lamelles de porc arrosées de sauce au piment et coincées dans une feuille de salade ...
Tout le monde s'habille et je suis déçue de quitter la yourte , on me dit de me couvrir car on va dans le corps de ferme en brique de nos hôtes un peu plus loin ...C'est mon sympathique et jeune ami de cavalcade qui a construit sa ferme un peu de guingois mais grande . Deux pièces pour sa petite famille , une cuisine et  une chambre avec armoires , coffres en bois peints et lits ...on y dort , on y mange, les enfants jouent là. Et à côté  la salle de Karaoké !


Dehors sur le mur reposent les selles fabriquées maison , dedans un grand écran plat et la sono qui va avec permettent de chanter les derniers tubes mongols ou les vielles mélodies russes et quelques chansons chinoises et coréennes . Le tout  répertorié dans un énorme catalogue plastifié ....Un grand moment que ces duos chantés par chacun des couples , Dawa chante merveilleusement bien, son grand et costaud mari aussi d'un voix douce... Nara et Enhtaivan suivent la cadence ...Algirma et Batjar sont des habitués ...Les petites filles dansent et frappent des mains ...J'aurai pu chanter avec le frère de Batjar me dit on .....Quel bonheur de ne pas lire le cyrillique ! Je suis donc spectatrice et ça me va parfaitement ...Mais horreur notre hôte a repéré une chanson française et tous de me vouloir "sur scène" le micro nasonnant à la main ! J'ai déjà joué le joker (sincère) de l'hépatite virale pour excuser ma sobriété . Je ne vais quand même pas redessiner le corps humain,  ma gorge , mes cordes vocales déjà opérées pour cause de nodules aphonisants et mon larynx totalement incompétent en matière musicale ! ? !

Il y a un Dieu pour les voyageurs en difficulté : une très heureuse et  momentanée panne d'électricité est alors tombée sur notre coin de campagne ! Et quand le son et la lumière sont revenus mon jeune ami cavalier et sa femme  avaient décidé de me dédier une chanson du Nadam (grande fête nationale dans laquelle la course à cheval tient une place énorme). La chanson a été  reprise en coeur par tous,  petits et grands et  j'ai même fredonnée le refrain imitant le cheval au galop ! On avait  oublié Edith Piaf que j'aurai massacrée ...  J'avais par respect pour notre grande chanteuse nationale profité du noir pour tourner la page du catalogue et  repousser  "La vie en Rose"  loin de moi !

La fin du séjour à la campagne s'est poursuivi au même rythme ...Je vais en garder un excellent souvenir  , on a bien rit ! Sentiment sans doute partagé par la bande d'amis qui a de concert décidé qu'on se retrouverai tous mardi pour la veille de mon départ et pour.... une grande bouffe  à Oulan-Bator...


A suivre 

17 octobre 2013

Nara ...

Elle s'appelle Nara et son sourire me fonce dessus quand avec Emeline ( indispensable traductrice pour cette première rencontre) nous la retrouvons enfin devant le supermarché MAX du quartier Khoro 16 . Au milieu des vieux immeubles soviétiques délabrés, gris et tristes , son blouson jaune éclate et son plaisir de me rencontrer ne semble ni vain ni cupide ! C'est vrai j'avais un peu de crainte ... Une belle surprise que cet accueil  sous le ciel encore bleu . Nara assez vite pose la question :  "Mais comment m'avez vous trouvée ? " Et cela me gêne , je ne veux pas mentir mais il est tout aussi  délicat de raconter comment nous sommes arrivées jusqu'à elle .  Emeline me sort de là très vite  avec intelligence et du coeur , elle reste vague ,  évoque un contact en ville , une amie d'amie (ce qui finalement n'est pas très loin de la vérité)  et Nara toute contente sur le chemin de son appartement , bloc 12 n'en demande pas plus . Mais je lui dois la véritable histoire et je le ferai ..En route à pied toutes les trois il n'est pas question de brusquer les choses alors je l'invite elle à poser des questions . Elle trouve mon idée intéressante , demande comment sont les autres jumelles , quels pays j'ai déjà fait etc..  Plus tard elle me demandera à voir des photos . Je parle en Français, Emeline traduit en Mongol et Nara me répond en me regardant et souriant ...
Chez elle débarrassées de nos manteaux, on se sent bien ;  l'appartement est temporaire car son mari refait leur maison plus loin , elle prépare le  thé , sort des biscuits. Elle semble attendre les premières questions avec impatience et sans gêne . Alors c'est parti ...Je me demande si ce sont les lectures des grandes sagas familiales de mon enfance qui me font tant aimer ces récits de vie , ces vies de familles si lointaines .  Nara ne se fait pas prier , elle raconte une famille pas tout à fait banale... 
Les  4 osselets lancés pour la première fois hier l'avait annoncé : une grande fortune  pour moi !
(...)
En arrivant mardi matin dans la petite école d'un quartier pauvre et reculé (projet d'une ONG française Actions Solidarité Pays Oubliés) . Haliun et Ariuna m'ont invitée,  avant même de partager la soupe et les beignets, à  lancer les osselets . Un geste très présent dans le quotidien des Mongols même en ville ...On a droit à trois lancés , chacun des osselets selon sa position représente un animal et la combinaison des 4 osselets à une signification , une interprétation, est signe de malheur ou son contraire et dans toutes les nuances .. ....Au premier lancé , mes deux acolytes se marrent et me plaignent je me retrouve avec trois chèvres et un mouton ...pas de quoi fouetter un chat ! Au deuxième elles détournent respectueusement le regard ... je ne me souviens pas mais un osselet s'était barré au loin de toute façon ! Avant le troisième lancé , je me demande si il n'y pas un truc et pose la question :" N'y a t-il pas une technique ? Ne peut-on  pas  travailler le mouvement de la main  pour arriver à ses fins ? " Halium pleine de pitié me dit si si bien sûr et me montre sa paume qui se retourne d'un coup sec ....Elle ne sait pas qu'à nos osselets à nous (en métal et plus petits dans mon enfance ) je n'étais pas trop mauvaise ...Je prépare mon geste avec la confiance de ceux qui n'ont rien à perdre ...et hop je lance ! Et que croyiez vous qu'il arriva ? La plus belle des combinaisons : un cheval, un chameau, un mouton et une chèvre ! Je l'ai joué modeste en apparence ... la chance sourit souvent aux premières fois non ? Haliun et Aryuna ont fait la moue avant de rire et de me dire que j'allais avoir une grande fortune...
Elle s'appelle Nara !

15 octobre 2013

Biche oh ma biche ...quand tu galopes !

"Biche ! Biche!" J'ai beau le crier , les deux gars qui cognent sans un mot  à ma porte redoublent de coups et ...bon c'est pas très agréable ! On est dimanche et il n'est pas dix heures tout de même ! Ah oui la biche que vient -elle faire ici ? Heu c'est un mot que j'ai , malheureusement , vite dû apprendre . C'est une négation appuyée du genre NON , NE PAS ....Avec les dizaines d'appels téléphoniques, mauvais numéros, mauvaises manips  - normal quand on téléphone en conduisant dans le rodéo permanent de la capitale  - qui ne m'étaient pas destinés,  une jeune femme m'a appris le mot magique : "Biche !" Normalement après on ne vous dérange plus
Si les deux inconnus ne m'avaient pas sérieusement agacée j'en aurai rit en m'entendant bramer le nom de ce doux animal , ou du célèbre thonier de la voix la plus ferme qui soit derrière une porte déjà risible puisque calfatée de papier toilette pour ne pas recevoir toutes les volutes de fumée de l'insomniaque du 2ème étage !
Espérons que ces deux gars vont pas revenir avec.... un pied de biche !

Non Oulan-Bator n'est pas de tout repos et si on y rit et s'y amuse c'est derrière les murs entre gens de confiance, ou loin du centre dans les faubourgs accrochés à ce qui reste de collines. Le coeur d'Oulan-Bator peut paraitre insensible et trop agité pour être Mongol, on n'y a perdu le sourire . C'est une ville de femmes , vénale (la ville - pas toutes les femmes ..quoi que ...). Des femmes qui se méfient entre elles, qui ont du se battre et dont on se doit de respecter le parcours, la lutte , la réussite. Elles y sont dures, ombrageuses , parfois même aux aguets ..Occidentales plutôt qu'asiatiques, Mongoles avant tout , impulsives  et très très très occupées.

Le coeur d'Oulan-Bator bat au rythme de la mondialisation , de la modernisation à tout prix , à n'importe quel prix . La capitale mongole est une élégante ! Les femmes s'y habillent et sont sinon toujours belles , toujours très soignées mais les couleurs sont moins éclatantes qu'à la campagne. Et dans les tenues des étudiantes seulement semble t-on apercevoir un peu de légèreté, de fantaisie . Le climat pourtant devrait les laisser sous leurs épaisses et unisexes Del , la robe-manteau traditionnelle encore portée par les plus anciens mais certainement pas par les jeunes et les femmes actives. Sauf quand ce très utile vêtement que je trouve noble et intelligent , est détourné par les designers montants ou par de jeunes créatifs qui le couse de motifs de hard rock!  Le nationalisme grandissant dont les occidentaux s'inquiètent en ville ,  remettra t-il le Del à la mode toute l'année et pas seulement les jours de fêtes nationales ou familiales ?

A Oulan-Bator tout le monde est aussi pressé que si il fallait rattraper un poulain préparé pour le Nadam * et égaré la veille dans la steppe !  La circulation apparait comme un enfer , puis comme un jeu,  une règle d'or : celle de la horde ! Ne surtout pas s'arrêter au milieu de votre élan quand vous traversez même si un Hummer, ou le plus gros des Toyota  vous foncent dessus ...Le cavalier urbain est soit motorisé (voiture) ,  soit à pied (les piétons doivent rester cavalier dans l'âme) . Et chacun (conducteur ou piéton ) s'attend à ce que l'autre (conducteur ou piéton) soit avant tout un cavalier chevronnée . Faut suivre c'est clair ! Un véhicule s'attend  à ce que le piéton  trace sa piste toute bride abattue !  On n'arrête pas comme ça un étalon au galop...et surtout pas au milieu d'une voie de circulation..Au mieux peut on tirer sur l'encolure pour dévier la route ....Il reste bien l'espace de sécurité de 50 cm entre les deux sens de circulation , accordé comme une solution possible pour éviter le choc. ..mais c'est mal vu et  cela laisse le temps au policier chargé de mettre un peu d'ordre en centre ville de vous siffler . Au mieux il vous met la honte devant tout le monde , au pire il vous menace d'une amende ! Ou plutôt de vous soutirer quelques billets ce qui est synonyme.
La capitale mongole galope bien  de la foulée la plus longue qui soit ...



* Grande fête nationale en juillet avec courses de chevaux pour tous les âges dès le plus jeune ; 5 ans.

5 octobre 2013

Se perdre ...

J'ai rencontré Khishigee dans la rue dans le quartier de l'Université..en fait en l'entendant parler français avec un occidental , je l'ai abordée après à peine deux secondes d'hésitation et avec un inutile puisqu'évident : "Pardonnez moi vous parlez français ?".
Autant le monsieur eu l'air un peu surpris voire agacé autant la dame fut charmante chaleureuse et me tendit sa carte si vite ... avant que j'ai pu ajouter un mot de plus ! J'ai rendez vous avec Kishigee ce soir devant la Bibliothèque Nationale pour un verre .

De chez moi - qui ne va pas le rester longtemps puisque le Baron Belge ,ni fou comme Unrgen ni la gueule taillée comme un dessin de Hugo Pratt mais oui un vrai baron qui me loue ce studio me met à la porte pour louer plus cher à des consultants miniers - de "chez moi" donc , je dois descendre sur Seoul avenue et traverser près d'un Irish Pub, marcher  vers la Poste ou le Théâtre sur la droite... et trouver plus bas la Bibliothèque. Je sens ,  je suis certaine que je vais encore me perdre ...

Marc Alaux , marcheur des steppes ,  a accompagné l'idée de mon tour du monde et de ce voyage avec chaleur depuis le début . Il a partagé sa merveilleuse connaissance de la Mongolie et écrit les meilleures pages récentes sur ce pays que l'on dit encore méconnu .  Il a aussi beaucoup déambulé dans Oulan-Bator.  J'ai gribouillé de notes et de points d'interrogations son livre  "Sous les yourtes de Mongolie" (Editions Transboréal) . Il est ici, indispensable sur ma table. Marc n'a pas seulement sillonné la steppe sur de très grandes distances , il a aussi passé des heures à pied dans les faubourgs , les avenues  et les ruelles de la capitale. Je fais mienne cette juste phrase  : "Mon aventure mongole ne se trouve pas dans l'émerveillement ou l'exploit mais dans l'interrogation permanente ..." .

Marcher dans cette capitale défoncée , accrochée comme elle peut  entre tradition et modernité, fouler les sols creusés de ciment et de poussière  et choisir  un cap au fil des attirances pour telle ou telle scène, c'est se perdre sans cesse et sans cesse s'interroger ...

Alors oui ! Je pars avec plaisir depuis quatre jours  me perdre et "tant mieux"  si comme hier je me fais jeter du minibus dans les moqueries parce que je ne suis pas sur la bonne ligne et qu'avant le virage qui m'aurait définitivement égarée j'ai pu dans un sens retrouvé de l'orientation crier qu'on s'arrête et me laisse là ! Pour la peine , la dame  en charge des tickets n'a pas voulu me faire payer (on paye à la fin de sa course en fonction de la distance) , me congédiant les yeux au ciel comme il se doit de traiter une provinciale ignorante des règles de la jungle urbaine.  Je me suis bien marrée , à peine culpabilisée de n'avoir payé la course !

Je ne lis pas le cyrillique et encore moins l'harmonieuse calligraphie  mongole. Seul un  mot m'est devenu familier et reconnaissable  :  banque  ! Le vocable n'évoque pas seulement les nouvelles richesses et les nouveaux riches qui vont avec et avec les 4x4 rutilants du centre.  Non le mot banque a le bon goût de s'écrire en lettres capitales presque comme en anglais BAHK . Et je le retrouve un peu partout sur le  fronton des immeubles récents du centre et des nouveaux quartiers en développement.
Il y a encore une forme de sobriété , héritage des années communistes je suppose,    dans les enseignes et les façades des grands immeubles ; il peut être difficile de deviner une banque plutôt qu'un bâtiment de société quand on ne sait pas lire . Alors ce mot que je pensais inutile au voyageur que je suis,  va s'avérer vital ! Pour preuve  : "Ah oui si vous vous perdez je ne suis pas loin de la Khan Bank ! " "Tournez après la Mongol Bank" ! "Vous connaissez la X Bank? "
Si il y a un office du tourisme il doit penser à indiquer les banques sur la carte improbable à tracer de cette capitale surprenante !

Ah aussi ...si on cherche un hôpital ...juste dire en roulant le "r" final  "DOKTOR ?"  et prendre l'air malade... ça marche super bien ! Non non je ne suis pas malade mais je marchais depuis plus d'une heure sur Peace avenue vers l'Ouest sans trouver ce maudit hôpital pour une interview. La ville s'étire sur 30 kilomètres d'Est en Ouest !
Allez je repars  me perdre ...avec plaisir !

2 octobre 2013

Pas loin !

C'est une  jeune fille moderne et aisée qui vient me chercher, smartphone à la main . Undral 21 ans  est Office Manager pour mon logeur. Désolée de son retard de 20 minutes elle déplore dans un  parfait anglais  canadien  les embouteillages et les camions de chantier ! Ils travaillent la nuit , ça construit beaucoup. C'est vrai nous en laissons traverser et se doubler sur la route défoncée , en construction elle aussi . Nous restons aussi arrêtées au milieu de nul part,  sous le bâton lumineux d'un policier pour laisser passer en sens inverse un convoi de VIP et de girophares aveuglants payés pour l'accompagner plus vite à l'aéroport .
Ma première image est celle d'une poignée de travailleurs en bord de route attendant sans un mot le minibus, un enfant en tenue de bonze est au milieu .  Il n'est pas 7h du matin et l'horizon est barré  de cheminées , de fumées d'usines, de grues,  de camions, de pylones. Je commence à deviner l'incontournable et collante  poussière.  Il fait moins 4 et ça ne se voit pas . Les hommes croisés à l'aéroport portent des vestes matelassées , les quiltedjacket des fermes anglaise, plutôt légères. Undral confirme , -4° ce n'est rien pour la capitale la plus froide du Monde !

On se dirige vers la City  à moyenne allure en pleine discussion sur le changement, l'évolution du pays . La jeune fille est ravie de me dire qu'il y a 4 ans on ne trouvait pas un seul coffee shop à Oulan-Bator ! En ville un peu plus tard je verrai plein d'enseignes de pizzeria , de restauration rapide et de Bakery que je n'ose traduire par boulangerie. D'inspiration coréenne-russe-chinoise ces Bakery vendent les plus fantaisistes et les plus variés des pains,  de toutes les farines, sucrés , salés , colorés . Il y en a un qui tient parfaitement dans la main , une sorte de pain au lait coupé en deux , on y a jeté  une saucisse cousine de celles de Francfort , c'est noyé d'une sauce orange pimentée incrustée de...ben j'ai cru que c'était des pistaches mais ça peut être n'importe quoi d'autre !  Bref le truc dont je raffole et que je vais souvent snacker! Le premier KFC (Kentucky Fried Chicken ) de Oulan-Bator ouvert en mai dernier avait été forcé de  fermer au bout d'une semaine car dévalisé , vidé de ses stocks ! Undral avait sagement attendu 2h sur le trottoir  pour avoir son premier menu !Mac Do ne saurait tarder...

Je bombarde ma conductrice de questions et elle me dit qu'elle en est ravie ! Alors que nous sommes vite arrivées en ville , je fais remarquer la propreté des rues et les balayeurs déjà au travail.  Undral  me dit que c'est exactement ce que sa mère lui a dit hier de retour d'un voyage en Europe ou elle a trouvé les villes très sales ! Hum...sa mère ...? Comme la jeune fille a l'âge de mes enfants .... je change de sujet en lui demandant  l'âge de sa mère : "50 ans cette année  " me dit-elle dans un grand sourire ! "Elle est née le 25 ..." ...et là c'est drôle mais je sais qu'elle ne va pas me dire qu'elle est née le 25 janvier ça serait trop facile de trouver ma soeur jumelle Mongole moins d'une heure après mon atterrissage. La mère de Undral est du 25 mai 63 ! Pas loin !